Intervention de Nicolas Thierry

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2024 à 9h00
Protéger la population des risques liés aux pfas — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Thierry, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

En ouverture de notre débat, il convient de prendre quelques instants pour énoncer brièvement les principales caractéristiques des Pfas. Celles-ci désignent des familles de substances chimiques qui regroupent chacune plusieurs combinaisons d'atomes que l'on ne trouve pas à l'état naturel. Il existe aujourd'hui plus de 12 000 composés dans la famille des polluants éternels. Leur point commun est leur composition : une chaîne d'atomes de carbone et de fluor qui leur confère toutes sortes de propriétés recherchées dans l'industrie. Les Pfas restent stables sous de fortes chaleurs, sont imperméables, repoussent les graisses et ont des propriétés antitaches ou antiadhésives. Nous avons tous à l'esprit le cas de certaines poêles de cuisson, mais ce n'est qu'un exemple parmi des centaines d'applications différentes.

Revers de ces qualités, les composés des Pfas ne se dégradent pas, ou très peu, dans l'environnement. Ils s'infiltrent dans les sols, dans l'eau, dans l'air et dans les tissus organiques, aussi bien ceux des humains que ceux de la faune et de la flore. Pour le dire autrement, les Pfas sont à l'origine d'une pollution systémique, et dans certains cas éternelle, en raison notamment de leur extrême persistance. Il est donc impossible, pour nous les humains comme pour les autres êtres vivants, d'échapper à une exposition croissante aux Pfas : plus nous en produisons, plus nous y sommes exposés. On a même retrouvé ces polluants éternels dans le sang d'ours polaires. Or il est difficile de s'en débarrasser une fois qu'ils ont pénétré l'organisme : leurs propriétés chimiques les mettent hors de portée de l'action des enzymes qui devraient les dégrader et favoriser leur élimination par le corps.

Cette exposition subie, massive, est extrêmement grave : les scientifiques considèrent que ces substances représentent un sérieux risque pour la santé. Nous disposons de nombreuses études qui caractérisent le risque sanitaire lié à une exposition à ces substances. Les risques pathologiques les plus documentés sont l'altération de la fertilité, des maladies thyroïdiennes, des taux élevés de cholestérol, des lésions au foie, des cancers du rein et des testicules, une réponse réduite aux vaccins ou encore un faible poids à la naissance. Nous sommes bel et bien face à un problème sanitaire d'une gravité et d'une portée inédites.

Le problème concerne toute la famille des Pfas. Or, depuis plusieurs jours, des opérations sont menées par des intérêts privés pour détourner notre regard de la famille des polluants éternels. Ces lobbys jouent sur la méconnaissance que nous avons de ces molécules. Il est ainsi avancé que les polymères seraient des molécules inertes, donc sans danger. Je le dis sans détour : de grossières erreurs scientifiques ont été répandues sciemment dans le paysage médiatique. Les polymères sont une famille de Pfas composée de deux sous-familles : les fluoropolymères et les polymères à chaînes latérales fluorées. La littérature scientifique a clairement établi que ces deux types de polymères étaient responsables de rejets de Pfas dangereux lors de leur fabrication ou de leur mise en déchet. En d'autres termes, les chaînes de production utilisant des polymères rejettent inexorablement des Pfas non polymériques parmi les plus dangereux. Les produits sortis de ces chaînes de production, une fois mis en déchet, sont par ailleurs source de diffusion massive de Pfas non polymériques.

De nombreux sites industriels implantés sur le territoire national, dans le Rhône, dans l'Oise ou en Haute-Savoie, utilisent des Pfas polymères et rejettent – et continueront fatalement de rejeter – des Pfas non polymériques parmi les plus préoccupants. Je mets au défi quiconque de contredire ce que je viens d'avancer.

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